J’achève quelques semaines de pratique d’Ashtanga yoga avec Kristina Karitinou, à Rethymno en Crète. Assistée de Nikolas, ils sont tous deux bienveillants, spontanés et généreux. Kristina prend un peu chacun des étudiants sous son aile, de manière maternelle. Elle enseigne sans retenue, sans domination, sans exercice démesuré du pouvoir ni de son savoir.
A chaque fois que je rencontre un nouveau professeur, je me rends un peu plus compte à quel point l’enseignement d’une même pratique peut varier selon la personne qui la transmet. Je suis persuadée qu’il est important de pratiquer avec un professeur, quand cela est possible. Il ne sera jamais remplaçable par une vidéo ou un livre. Nous ne sommes pas obligés ni nous ne pouvons pas toujours pratiquer avec un enseignant tous les jours, ni tous les mois. Mais lorsque c’est possible, c’est inestimable. Pour apprendre les bases, corriger notre alignement, apporter un autre point de vue sur soi-même et sur le monde, mais aussi pour freiner notre ego. Nous sommes tous l’élève de quelqu’un. Kristina en est la preuve. Elle transmet l’Ashtanga yoga depuis une quinzaine d’années, mais se forme depuis quelques années au zen chanting en toute humilité. Chaque matin à l’aube, avant de commencer nos asanas (postures), nous pratiquons une quinzaine de minutes de chants zen. Toujours la même phrase : « Om mani padme hum », précédée d’une grande inspiration. Cette phrase d’origine bouddhiste signifie littéralement “le joyau est dans le lotus”. Elle n’est plus aujourd’hui forcément rattachée à une religion mais a une valeur universelle. Quelques indications rythment le chant: “revenez à la respiration” ; “arrêtez de planifier” ; “qui suis-je ?” ; “qu’est-ce que je suis ?”… Ces questions n’ont pas de réponse, et la pratique ne nous les apportera pas. Mais celle-ci nous rappellera de nous les poser. Qu’elles sont essentielles. Que ce sont celles qui comptent réellement, in fine.
Notre quotidien ne nous permet pas toujours de revenir à l’essentiel et de faire le vide : travail, vie de famille, courses, ménage…
Comme nous l’explique Kristina, il faut avoir la place pour cette pratique. Pas seulement dans son agenda, mais dans son esprit.
Je croyais qu’en avançant dans la pratique du yoga, j’obtiendrai des réponses à mes questions. C’est tout le contraire. Le yoga est une philosophie. Il nous apprend à penser, à nous poser des questions. C’est un éveil sur le monde et sur soi-même. Plus je pratique, plus je me pose de questions. Finalement, un bon enseignant n’est pas celui qui nous donne des réponses, qui nous dicte la bonne pratique à adopter, qui nous dit quoi faire ni comment le faire comme s’il nous enfermait dans une prison idéologique. Un bon enseignant est peut-être celui qui nous apprend à nous poser des questions, à penser. A rester ouvert d’esprit et l’élève de la vie.